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Proposition d’initiative législative sur les activités transfrontières des associations

Publié le 28.10.2022

Suite au rapport Lagodinsky, la Commission européenne a lancé un appel à contribution et France générosités a souhaité donner son avis sur cette initiative législative sur les activités transfrontières des associations.

Dans le cadre de son plan d’action pour l’économie sociale et dans le prolongement du rapport Lagodinsky, la Commission européenne a lancé un appel à contribution sur une initiative législative visant à garantir aux associations des libertés pleines et entières sur le marché unique, en simplifiant leurs activités transnationales au sein de l’UE et en promouvant leurs droits fondamentaux. France générosités a souhaité donner son avis sur cette initiative législative sur les activités transfrontières des associations. Vous trouverez ci-après le contenu de cet avis.

Vous pouvez trouver la version anglaise de notre participation ici : Proposal for a Legislative Initiative on Cross-Border Activities of Associations

 

CONTRIBUTION DE FRANCE GENEROSITES

Le plan d’action pour l’économie sociale adopté le 9 décembre dernier consacre le potentiel de l’économie sociale pour favoriser la participation démocratique et la création d’une économie au service de tous. Les prochaines recommandations du Conseil visant à développer les conditions-cadres de l’économie sociale doivent permettre une harmonisation des cadres politiques et juridiques des différentes familles de l’économie sociale et solidaire au sein desquelles les organisations non-lucratives (dont font partie les associations et fondations) sont des acteurs majeurs.

France générosités est le syndicat professionnel des organisations d’intérêt général faisant appel à la générosité du public. Il représente 131 organisations parmi les plus grandes associations et fondations françaises investies dans tous les champs de l’intérêt général. Il est l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics français sur tous les sujets touchant au modèle économique et au cadre juridique et fiscal des organisations à but non lucratif (OBNL). France générosités s’attache à défendre les spécificités des modèles non-lucratif au sein de l’Economie sociale et solidaire en France et en Europe.

La résolution d’initiative législative du Parlement européen fait deux propositions à la Commission européenne qui nous paraissent complémentaires proposant à la fois un règlement instaurant une nouvelle entité juridique à but non lucratif, l’« association européenne », et une directive relative à des normes minimales pour les OBNL. Cette ouverture permettant de renforcer l’action des organisations à but non lucratif dans leur ensemble nous invite à proposer l’élargissement de la première proposition aux fondations européennes.

France générosités tient à saluer l’initiative du Parlement européen et l’ambition de ses deux propositions qui font l’objet de la présente contribution. Il est temps pour l’Union européenne d’agir tant pour des raisons de cohérence au regard de son ambition pour le développement de l’économie sociale que pour garantir la protection de la liberté associative dans les 27 pays de l’Union européenne.

 

1. Sur la nécessité d’une action de l’Union européenne et son impact

Au regard de sa politique pour l’économie sociale, l’action de l’Union européenne est attendue (1) afin de garantir la cohérence et l’efficacité des politiques européennes en faveur des associations et fondations et (2) afin de garantir leur liberté dans les 27 pays de l’UE dans un contexte où la liberté d’association subit des tentatives de restrictions au sein même de l’Union.

  • Depuis les années 1980, tant le Parlement que les organisations non gouvernementales ou le Comité économique et social européen (CESE) œuvrent en faveur de la reconnaissance du rôle des associations au niveau communautaire ainsi que de la reconnaissance d’un statut européen des associations, et plus tardivement d’un statut européen pour les fondations.

Alors que sont adoptés le statut de société européenne[1] en 2001 puis le statut de coopérative européenne[2] en 2002, démontrant une fois encore l’intérêt de la création de structures supranationales dans un marché unique, les statuts d’association et de fondation européennes se heurtent aux oppositions de principe des Etats membres.

Le Plan d’action pour l’Economie Sociale consacre la reconnaissance politique de l’Economie sociale. Il en donne une définition inclusive comprenant d’une part les organisations sans but lucratif (principalement associations et fondations), d’autre part les organisations à but lucratif telles que les coopératives, les mutuelles et les entreprises sociales.

Il est donc temps de supprimer les obstacles qui entravent actuellement les activités des associations et fondations européennes au sein du marché unique alors même qu’elles représentent en France plus de 80% des structures de l’économie sociale. Ainsi, elles pourront pleinement contribuer à la mise en œuvre des piliers européens des droits sociaux et des objectifs de développement durable et aux défis économiques et sociaux à venir.

  • La tendance générale au rétrécissement de l’espace pour la société civile dans le monde et en Europe et les obstacles aux financements a fortiori transfrontaliers ont un impact important sur la capacité des OBNL à financer et donc mener leur action et menacent la société civile dans son ensemble. Des restrictions ont ainsi été imposées à d’importantes organisations impliquées, entre autres, sur les conséquences du conflit ukrainien, sur l’accueil des réfugiés aux portes de l’Europe, sur la protection des droits des minorités ou sur la défense de l’environnement.

Aussi, dans un avis d’initiative du 19 octobre 2017, le CESE invitait à reprendre les discussions sur un statut d’association européenne afin d’assurer la mise en œuvre de l’article 11 du Traité sur l’Union européenne relatif au dialogue structuré avec la société civile[3]. Cette invitation était réitérée en 2021[4] au regard du contexte actuel propice selon lui à de telles discussions. En effet, au vu de la place indispensable des OBNL dans la transformation de l’espace social, économique et civique européen il paraît désormais indispensable :

  • de mettre en place le dialogue civil et de créer une véritable place pour la société civile dans l’Union européenne ;
  • mais aussi d’agir pour protéger la liberté d’association consacrée dans la charte des droits fondamentaux et reconnue, en droit français, comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

 

2. Observations sur les options envisagées pour résoudre les problèmes

La proposition de règlement du Parlement permettrait de répondre aux enjeux opérationnels souhaités par les acteurs depuis de nombreuses années en instaurant des règles destinées à lever les obstacles aux actions et aux partenariats entre les OBNL de différents Etats membres, leur ouvrant ainsi l’accès aux libertés du marché unique.

La proposition de directive du Parlement permettrait de garantir la liberté associative dans les 27 pays de l’Union européenne, droit prévu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui pourrait se voir renforcer par un cadre juridique et réglementaire harmonisé. Un tel enjeu nous paraît majeur alors que la liberté d’association subit, comme l’a rappelé le Parlement européen, des tentatives de restrictions au sein de l’Union européenne.

Aucune disposition du TFUE ne permet d’appréhender l’intégralité de ces enjeux. Aussi, l’article 114 TFUE pourrait être une base légale de l’adoption de cette législation. En effet, l’article 114 constitue, comme l’a rappelé à maintes reprises la Cour de justice, une base juridique pour l’adoption de mesures visant à éliminer les entraves à la libre circulation des capitaux, des marchandises et des personnes.

Néanmoins, au regard de la spécificité des organismes visés par les législations proposées (organismes à but non lucratif), la Commission devra avoir une vision extensive du marché intérieur, au-delà des seuls acteurs économiques lucratifs. Aussi, le choix de l’article 114 comme base légale n’exclut pas la possibilité de combiner cet article avec d’autres dispositions du TFUE notamment l’article 352.

Cette base légale nous parait plus adaptée à la hauteur des enjeux rencontrés. En revanche, l’article 50 pris isolément, contribuerait à réduire considérablement la portée du texte tant dans son objectif que dans ses moyens. Et ce d’autant que le recours simple à l’article 50 TFUE a mis en échec ce statut depuis plus de 30 ans.

Quelle que soit la base juridique envisagée, il conviendra de veiller à la terminologie employée. La notion d’« utilité publique » employée à l’article 14 de la proposition de directive dans sa traduction française correspond en réalité à la notion juridique française d’« intérêt général »[5].

 

3. Impacts attendus

3.1 Reconnaître et garantir la liberté d’association

Le statut d’association européenne (option 1 proposée par la Commission) permet une reconnaissance de cette forme juridique dans tous les Etats membres sans formalité spécifique et facilite le transfert du siège social d’un Etat membre à un autre sans disparition de la personnalité juridique. Le règlement propose donc un statut spécifique pour les associations, à l’image de la société européenne et de la société coopérative européenne. Les associations européennes auraient ainsi la garantie d’être traitées de la même manière sur tout le territoire de l’Union européenne. France générosités soutient le principe que cette proposition soit élargie également aux fondations européennes.

Ensuite, la proposition de règlement rappelle le principe de la liberté d’association qui implique la liberté d’adhésion et la liberté de définir qui peut être membre ou non de l’association selon des critères objectifs et raisonnables, sous réserve du respect du principe de non-discrimination.

La liberté d’association implique également une liberté de gestion : la proposition de règlement rappelle que l’association est libre d’organiser sa gouvernance sous réserve de fonctionner de manière démocratique et de disposer de deux organes : un conseil d’administration et une assemblée générale.

Enfin, la proposition de règlement permet d’ouvrir des divisions régionales dotées de la personnalité morale mais agissant au nom et pour le compte de l’association européenne. Cela devrait faciliter l’action coordonnée des associations dont le champ d’action s’étend sur le territoire de plusieurs Etats membres.

Toutefois, France générosités relève que la création d’un statut d’association européenne s’accompagne de la création de nouvelles instances de contrôle. Il conviendrait à cet égard de prévoir des ajustements afin de préserver la liberté associative de la même manière dans tous les Etats membres.

Par conséquent la mission de l’« organisme chargé des associations nationales » doit se limiter à un simple enregistrement dans des dans délais réduits. En outre le « Conseil des associations européennes » doit pouvoir intégrer des représentants associatifs nationaux (tels que le Haut conseil à la vie associative pour la France) afin de remonter les problématiques de terrain.

France générosités soutient également la voie alternative de création d’un nouveau statut national d’organisations sans but lucratif dans chaque législation nationale fondé sur une définition harmonisée du principe de gestion désintéressée et qui bénéficieraient d’une reconnaissance mutuelle dans les différents Etats membres. Cette proposition va dans le sens de l’option 2 proposée par la Commission mais dépasse le seul sujet des activités transfrontières et doit concerner l’ensemble des activités des associations et fondations.

 

3.2 Reconnaître le rôle des OBNL dans le développement du marché intérieur

Les propositions de règlement et de directive du Parlement constituent un acte de reconnaissance du rôle des associations et des OBNL dans l’économie sociale et dans le développement du marché intérieur. En effet, le Parlement reconnaît expressément la possibilité pour les organisations à but non lucratif de développer des activités économiques (considérant O de la Résolution du 17 février 2022) qui sont indissociables de la réalisation de leurs missions statutaires (“non profit objectives”).

Cela se formalise dans les propositions de règlement et directive par une définition de la non-lucrativité permettant aux associations et aux OBNL de développer des activités économiques en lien avec leur mission (le cas échéant, d’utilité publique) [6] et de générer des profits qui ne pourront être réinvestis que dans la réalisation de leur mission. De plus, ces profits doivent faire l’objet d’une présentation distincte dans l’état financier établi par le conseil d’administration[7]. Cela se traduit également par une définition des activités économiques[8], activités que les Etats ne sont pas autorisés à restreindre sauf pour des raisons d’atteinte à la sécurité publique.

France générosités est favorable à une telle ouverture qui correspond à la réalité du fonctionnement de nombreux organismes à but non lucratif. Il convient de préciser que les revenus tirés des éventuelles activités économiques doivent pouvoir servir tant à soutenir les activités non lucratives de l’OBNL que l’activité économique elle-même dans la mesure où cette activité est utile voire nécessaire à la réalisation de la mission (“non profit objectives”) de l’OBNL.

France générosités relève toutefois que la règlementation des aides d’Etat ne fait pas l’objet d’une disposition spécifique dans ces propositions de règlement et de directive. Tant le plan d’action pour l’économie sociale de la Commission européenne présenté en décembre 2021 que la résolution du Parlement du 6 juillet 2022 appelait à une adaptation nécessaire du cadre juridique des aides d’Etat aux besoins spécifiques de l’économie sociale. Cette règlementation doit donc garantir plus fermement aux OBNL la possibilité d’exercer des activités de vente de biens et services sans se voir opposer le régime des aides d’Etat.

En outre, France générosités appelle à la plus grande vigilance sur les évolutions à venir du règlement général d’exemption par catégorie afin de ne pas contrevenir aux principes rappelés ci-avant et que cette règlementation soit bien alignée à la reconnaissance du statut non lucratif des organisations.

France générosités regrette enfin que les aspects fiscaux ne soient pas mieux pris en considération, au-delà du principe d’égalité de traitement fiscal et de non-discrimination qui devrait permettre à un organisme à but non lucratif européen de bénéficier des mêmes avantages qu’une organisation nationale comparable.

 

Conclusion :

France générosités se tient à la disposition de la Commission afin de participer aux ateliers d’experts qu’elle pourrait organiser sur des sujets spécifiques en lien avec cette initiative législative.

 

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Vous pouvez trouver la version anglaise de notre participation ici : Proposal for a Legislative Initiative on Cross-Border Activities of Associations

Toutes les contributions européennes sont à retrouver ici : ec.europa.eu

 


[1] Règlement (CE) N°2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE)

[2] Règlement (CE) N°1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC)

[3] Le financement des organisations de la société civile par l’UE (avis d’initiative), adopté le 19 octobre 2017, réf. SOC/563-EESC-2017-01953-00-01-ac-tra

[4] Créer un statut européen pour les associations et les ONG qui prévoie une définition précise d’une ONG ou d’une association européenne (rapport d’information), adopté le 6 octobre 2021, réf. SOC/639 – EESC-2020-01567-00-01-RI-TRA (EN) 2/5

[5] Nous tenons à votre disposition une note définissant au regard du droit français les différentes expressions : intérêt général / utilité publique / utilité sociale.

[6]Article 2 a de la proposition de règlement / article 2, 2 a de la proposition de directive

[7] Article 15, 8 de la proposition règlement

[8] Article 24 de la proposition de directive

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