Loi de finances 2023 – Décryptage des mesures impactant le secteur
Publié le 05.01.2023
Validée par le Conseil constitutionnel le 30 décembre 2022, la loi n° 2022-1726 de finances pour 2023 a été finalement publiée le 31 décembre. < Nouveauté du 5 janvier 2023 >
Voici les principaux changements de la loi de finances 2023 susceptibles d’impacter vos organisations :
1. Dispositions relatives au mécénat des particuliers et des entreprises
Élargissement du dispositif du mécénat aux dons destinés à préserver les bois et forêts gérés durablement (article 11 et article 12 de la loi de finances pour 2023 – nouveaux articles 200, 1-f ter et 238 bis, 1°-e sexies du Code général des impôts)
Une nouvelle catégorie de dons est désormais éligible au régime du mécénat. Il s’agit des dons destinés à l’entretien, au renouvellement ou à la reconstitution de bois et forêts présentant des garanties de gestion durable (ou pour l’acquisition de bois et forêts destinés à être intégrés dans le périmètre du document d’aménagement des bois et forêts relevant du régime forestier).
Pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôt des articles 238 bis (mécénat d’entreprise) et 200 du code général des impôts (dons des particuliers), ces versements devront être effectués au profit de l’un des bénéficiaires visés par la loi, à savoir, les communes, les syndicats intercommunaux de gestion forestière, les syndicats mixtes de gestion forestière et les groupements syndicaux forestiers dès lors qu’ils agissent dans le cadre de leur activité d’intérêt général concourant à la défense de l’environnement naturel.
Prorogation de la déduction spéciale ouverte aux entreprises investissant dans l’art et la musique (article 41 de la loi de finances pour 2023 – article 238 bis AB du Code général des impôts)
L’article 238 bis AB du code général des impôts (CGI) prévoit une déduction spéciale en faveur des entreprises qui achètent les biens suivants :
- des œuvres originales d’artistes vivants pour les exposer au public;
- des instruments de musique destinés à être prêtés aux artistes-interprètes.
Ces entreprises peuvent, dans certaines conditions, déduire de manière extra-comptable une somme correspondant au prix d’acquisition de ces biens selon des modalités particulières qui ont été précisées par l’administration fiscale (BOI-BIC-CHG-70-10).
Applicable aux acquisitions faites entre le 1er janvier 2002 et jusqu’au 31 décembre 2022, ce dispositif a été prorogé jusqu’en 2025.
2. Publication d’un rapport du Gouvernement sur l’Economie Sociale et Solidaire (article 185 de la loi de finances pour 2023)
La loi de finances pour 2023 impose au Gouvernement de remettre un rapport d’information au Parlement sur les moyens et les dépenses engagées par les personnes publiques en faveur du développement de l’économie sociale et solidaire. Ajouté lors des discussions au Sénat (contre l’avis de la commission des finances), ce rapport vise à faire le point sur l’intervention des personnes publiques et donc les crédits mobilisés en faveur de l’ESS. Il devra comprendre notamment des informations relatives :
- Aux dépenses d’investissement et de fonctionnement de l’Etat et des collectivités territoriales réalisées à destination des associations, des fondations, des sociétés coopératives de production et des sociétés coopératives d’intérêt collectif ainsi que des autres structures relevant de l’économie sociale et solidaire ;
- A la difficulté que représente un modèle de financement basé sur l’appel d’offres et l’appel à projets au détriment d’un modèle basé sur la subvention de fonctionnement ;
- A l’intérêt de mettre en place des financements pluriannuels pour le secteur associatif ;
- Aux difficultés d’accès aux subventions européennes par les structures de petite ou de moyenne taille relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire ;
- Aux mesures à prendre pour permettre un accompagnement dans la gestion prévisionnelle territoriale des emplois des structures de l’économie sociale et solidaire.
Nous suivrons avec attention la remise de ce rapport, prévue au plus tard pour le 30 juin 2023.
3. Unification des délais de conservation des documents soumis au contrôle de l’administration (article 62-III de la loi de finances pour 2023, article L102 B-I, al. 2 du livre des procédures fiscales)
Désormais, les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de six ans, quel que soit leur format (électronique ou papier).
Auparavant, lorsque ces documents étaient établis ou reçus sous forme électronique, ils devaient être conservés sous le format reçu pendant un délai minimum de trois ans (correspondant au droit de reprise de l’administration, prévu à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales). Ils pouvaient ensuite être conservés sous un autre format pendant les trois années suivantes.
Ce délai de conservation unifié de six ans s’applique aux documents et pièces établis à compter du 31 décembre 2022 (date de la publication de la loi de finances pour 2023).
4. Propositions diverses :
Nouveau moyen d’authentifier une facture (article 62 de la loi de finances pour 2023, CGI, art. 289-VII, 4°)
Jusqu’ici, une facture pouvait être émise ou reçue selon l’un des trois moyens suivants :
- Sous forme électronique ou papier, sous réserve de procéder à des contrôles documentés et permanents ;
- En recourant à la procédure de signature électronique qualifiée prévue par le règlement (UE) n°910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 ;
- Sous forme d’un message structuré permettant une lecture et un traitement informatique automatiques et univoques, selon une norme convenue entre les parties.
Il est désormais possible d’émettre ou de recevoir des factures en recourant à la procédure de cachet électronique qualifié au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur. Un décret précisera les conditions d’émission, de cachet et de stockage de ces factures.
Création de jeux de loterie (FDJ) consacré à la biodiversité (article 115 de la loi de finances pour 2023)
Il est prévu la création, par la Française des jeux, de nouveaux jeux de loterie consacrés à la biodiversité. Une partie du produit brut issu de ces jeux sera affectée à l’Office français de la biodiversité.
Ce nouveau type de « loto solidaire », conçu sur le modèle du Loto du patrimoine, devra faire l’objet d’une autorisation préalable de l’Autorité nationale des jeux.
Cette disposition était visée par le recours formé auprès du Conseil constitutionnel car elle prévoit également l’affectation d’une fraction du prélèvement sur le produit brut des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne au profit de l’Office français de la biodiversité. Certains députés avaient en effet considéré qu’une telle disposition donnait aux jeux de loterie « une image positive de nature à favoriser des pratiques addictives » en violation du principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de l’article 6 de la Charte de l’environnement.
Cependant le Conseil constitutionnel a relevé à juste titre qu’une telle disposition n’avait pas pour objet ni pour effet de soustraire ce type de jeux à la règlementation, comme indiqué ci-dessus, « qui a pour objet de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin, notamment, de prévenir le jeu excessif ou pathologique et de protéger les mineurs ».
Extension de la taxe sur les locaux à usage de bureaux dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes (article 75 de la loi de finances pour 2023, article 231 quater I du Code général des impôts).
Applicable jusqu’alors uniquement dans la région Ile-de-France, cette taxe annuelle vise notamment les locaux professionnels utilisés par des associations ou des organismes privés poursuivant ou non un but lucratif.
A noter toutefois que les fondations et associations reconnues d’utilité publique en sont exonérées pour leur locaux et surfaces de stationnement dans lesquels elles exercent leur activité.
Pour les impositions dues au titre de 2023, la déclaration devra être déposée avant le 1er juillet 2023 auprès du comptable public compétent, accompagnée du paiement de la taxe. Pour les années suivantes, la déclaration et le paiement devront être réalisés par les redevables avant le 1er mars de l’année.
Sarah BERTAIL, Responsable juridique et fiscale chez France générosités. |
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Anouk MARCHALAND, Collaboratrice juridique et fiscale chez France générosités. |
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Archives des échanges et débats fin 2022 sur le projet de loi de finances 2023
Points d’attention du 30 novembre 2022 :
Des amendements intéressant le secteur de la générosité ont fait l’objet de discussions au Sénat ces dernières semaines. Nous vous les présentons brièvement ci-après.
- Rejet des amendements sur l’agribashing
Nous avions évoqué ce sujet à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale. Ces amendements n’avaient finalement pas été adoptés mais ils sont réapparus sous deux formes devant le Sénat :
- Modification de l’article 200 du code général des impôts pour exclure du bénéfice de la réduction d’impôt les dons faits aux associations reconnues coupables ou dont les adhérents ont été reconnus coupables d’actes d’intrusion et/ou de violence vis à vis des professionnels du monde agricole ou d’entreprises alimentaires ;
- Modification de l’article 1378 octies du code général des impôts visant à élargir la liste des infractions pénales susceptibles d’exclure les associations du champ de la réduction d’impôt accordée au titre des dons réalisés par les particuliers (l’introduction dans le domicile d’autrui, la destruction ou la menace de la destruction d’un bien par l’emploi d’un engin explosif ou incendiaire…).
Ce sont près d’une dizaine d’amendements qui ont été rejeté à l’issue des débats.
- Elargissement du bénéfice de la réduction d’impôt aux dons des contribuables français non-résidents(article 200 du code général des impôts)
Cet amendement, adopté en séance, permettrait aux contribuables français non domiciliés en France de bénéficier de la réduction d’impôt prévue par l’article 200 du code général des impôts (dons des personnes physiques) pour leurs dons et versements aux œuvres, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits. Il est précisé que lesdits dons et versements ne doivent pas parallèlement permettre au contribuable de bénéficier d’un avantage fiscal dans son État de résidence (afin d’éviter un double avantage fiscal).
- Rejet de la création d’un crédit d’impôt pour les frais kilométriques engagés par les bénévolesnon imposables
Les dispositions de ces amendements, qui avaient été adoptés par l’Assemblée nationale mais non repris dans le texte sur lequel le gouvernement avait engagé sa responsabilité (article 49-3 de la Constitution), visaient à ouvrir aux bénévoles non imposables la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt en contrepartie de l’abandon de leurs frais kilométriques. Ils ont été rejetés par le Sénat.
- Ouverture du dispositif du mécénat pour les dons destinés à l’entretien, au renouvellement ou à la reconstitution de bois et forêts présentant des garanties de gestion durable
Ce dispositif concernerait les dons effectués au profit de communes, de syndicats intercommunaux de gestion forestière, de syndicats mixtes de gestion forestière et de groupements syndicaux forestiers, qu’ils soient réalisés par les particuliers (article 200 du code général des impôts) ou par les entreprises dans le cadre du mécénat (article 238 du code général des impôts). Ces amendements ont été adoptés.
- Rejet de l’instauration de critères qualitatifs encadrant les dons de denrées alimentaires des entreprises
Ces amendements proposaient de conditionner au respect de règles de traçabilité et d’étiquetage la réduction d’impôts de l’article 238 bis du code général des impôts pour les dons de denrées alimentaires (mécénat d’entreprise). Rejetés par l’Assemblée nationale, ils ont également fait l’objet d’un rejet par les sénateurs.
- Correction du mécanisme du bail réel solidaire(articles L. 255-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation)
Les sénateurs ont adopté cet amendement portant sur la modification de l’article 284 du code général des impôts afin d’inclure l’hypothèse où le preneur du bail réel solidaire ne respecte plus les conditions auxquelles est subordonné l’octroi des taux réduits. Dans un tel cas, il est proposé de laisser à l’organisme de foncier solidaire un délai maximum de 2 ans pour régulariser la situation, avant l’application de toute sanction.
- Augmentation de 25 % à 30 % du taux bonifié temporaire des réductions d’impôt applicables aux souscriptions en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises non cotés, des entreprises solidaires d’utilité sociale et des foncières solidaires.
Cet amendement, adopté au Sénat, s’inscrit dans la volonté de renforcer les dispositifs de soutien aux fonds propres des PME, des entreprises d’utilité sociale et des foncières solidaires.
- Prorogation de la déduction prévue à l’article 238 bis AB du code général des impôts uniquement pour l’acquisition d’instruments de musique, à l’exclusion des œuvres d’art
L’article 4 decies du projet de loi de finances pour 2023 prévoit de proroger jusqu’en 2025 la déduction spéciale appliquée aux entreprises achetant des œuvres originales d’artistes vivants ou des instruments de musique, initialement prévue jusqu’en 2022. Cet amendement, adopté par le Sénat, vise à proroger ce dispositif uniquement pour l’acquisition des instruments de musique que l’entreprise s’engage à prêter à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.
S’agissant du calendrier, le Sénat poursuit l’examen du volet “dépenses” du projet de loi de finances jusqu’au 6 décembre 2023, date à laquelle le vote aura lieu.
Points d’attention du 24 octobre 2022 :
Les deux motions de censure déposées en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution ayant été rejetées le 24 octobre 2022, la première partie du projet de loi de finances pour 2023 est considérée comme adoptée. Le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité ne reprend aucun des amendements déposés qui intéressaient le secteur de la générosité. Les députés vont désormais examiner le volet “dépenses” du projet de loi, un vote solennel sur l’ensemble du texte étant prévu le 15 novembre. Nous suivrons les débats à venir.
Points d’attention du 17 octobre :
Suppression des avantages fiscaux pour les associations environnementales activistes – Projet de Loi de finances 2023
Les multiples amendements proposant d’exclure du bénéfice de la réduction d’impôt de l’article 200 du code général des impôts les dons faits aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’« actes d’intrusion sur les propriétés agricoles et les établissements industriels » et de « violence » vis à vis de professionnels ont été rejetés lors de la séance du 13 octobre 2022.
Ces amendements prévoyaient également l’interdiction pour ces mêmes associations de délivrer des reçus fiscaux pourtant nécessaires pour permettre aux contribuables de bénéficier de la réduction d’impôt.
Crédit d’impôts sur les frais kilométriques des bénévoles non imposables
Un amendement visant à ouvrir aux bénévoles non imposables la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt en contrepartie du leur renoncement au remboursement de leurs frais kilométriques a été adopté le 14 octobre 2022.
Cet amendement s’inscrit dans la suite des dispositions récentes de la loi de finances rectificative pour 2022 (LOI n° 2022-1157 du 16 août 2022) qui permet aux bénévoles de bénéficier d’un avantage fiscal au titre de l’abandon de leurs frais kilométriques selon le même barème que celui applicable aux salariés (voir notre article du 9 septembre dernier).
Grâce à cet amendement, les bénévoles non imposables, qui ne pouvaient jusqu’alors pas bénéficier de ce dispositif, pourraient bénéficier d’un crédit d’impôt pour l’abandon de leurs frais kilométriques et par conséquent être remboursés de ces frais.
Dons d’actifs numériques
Les amendements relatifs à l’introduction de la possibilité de faire des dons d’actifs numériques ont de leur côté été retirés.
Éligibilité au mécénat des regroupements d’organismes d’intérêt général
A noter également le retrait de l’amendement qui proposait de rendre éligible au dispositif du mécénat les « regroupements d’organismes d’intérêt général » c’est-à-dire les têtes de réseau telles que la Coordination des fédérations et associations de culture et de communication (COFAC) ou la Fédération des acteurs de la solidarité. Le gouvernement, par la voix de Gabriel ATTAL – ministre délégué au budget – s’est engagé à travailler sur ce sujet afin d’évaluer les conséquences d’une telle proposition.
Nous continuons de suivre les débats avec attention.
N’ont notamment pas encore été débattus les amendements portant sur le don en nature de denrées alimentaires et proposant de conditionner au respect de règles de traçabilité et d’étiquetage la réduction d’impôts de l’article 238 bis du code général des impôts (mécénat d’entreprise).
12 octobre : Points d’attention des débats sur le projet de Loi de finances 2023
Si le projet de loi de finances 2023 ne contient pas de dispositions concernant le secteur de la générosité, nous avons relevé des amendements qui sont susceptibles d’avoir un impact sur vos missions. En particulier :
- L’introduction de la possibilité de faire des dons d’actifs numériques ;
- S’agissant du don en nature de denrées alimentaires, il est proposé de conditionner la réduction d’impôt de l’article 238 bis du code général des impôts (mécénat d’entreprise) au respect des règles de traçabilité des denrées et au respect de l’étiquetage ;
- La possibilité pour des structures de coordination et des fédérations d’associations de recevoir des dons éligibles au dispositif du mécénat ;
- L’exclusion du bénéfice de la réduction d’impôt de l’article 200 du code général des impôts des dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion et/ou de violence vis à vis des professionnels du monde agricole et donc l’interdiction pour ces mêmes associations de délivrer des reçus fiscaux pourtant nécessaires pour permettre aux contribuables de bénéficier de la réduction d’impôt ; amendements à mettre en lien avec la pétition lancée en début d’année par la Fédération française des chasseurs (cf. notre article).
Nous restons bien entendu attentifs aux débats qui se tiennent en ce moment à l’Assemblée nationale et particulièrement mobilisés pour ce qui concerne le dernier point.
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