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Gratification d’une association affiliée ou fédérée : quelle comptabilité pour les libéralités reçues par l’intermédiaire de l’organisme d’affiliation ?

Publié le 14.01.2025

Retour sur l’avis technique de la Commission des études comptables de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) – EC 2023-11 (janvier 2024)

D’après une solution jurisprudentielle constante, un organisme sans but lucratif (OSBL) qui n’a pas la capacité juridique de recevoir une libéralité peut cependant en recevoir le produit par l’intermédiaire de l’association, fédération ou union reconnue d’utilité publique à laquelle il est affilié. Revenons sur les conditions nécessaires à la réalisation d’un tel schéma de don et sur le traitement comptable correspondant.

 

Tous les organismes sans but lucratif n’ont pas la capacité de recevoir des libéralités

Seuls certains OSBL sont juridiquement capables de recevoir des libéralités, qu’il s’agisse de legs ou de donations[1] :

  • Certaines structures juridiques, telles que les associations et fondations reconnues d’utilité publique, peuvent percevoir des libéralités sans condition.
  • Certaines catégories de bénéficiaires, telles que les associations simplement déclarées et les associations cultuelles, ne peuvent quant à elles recevoir des libéralités que sous certaines conditions.
  • Enfin, certains groupements ne peuvent pas recevoir de libéralités sous quelque forme que ce soit, tels que les fondations d’entreprise (cf. article 19-8 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat).

Par conséquent, le philanthrope qui souhaite gratifier un OSBL par le biais d’un legs ou d’une donation devra s’assurer en amont que celui-ci dispose bien de la capacité à recevoir une telle libéralité.

Notons que, s’agissant des dons manuels, tout OSBL disposant de la personnalité morale peut librement en recevoir.

 

Une association qui ne peut recevoir de libéralités peut cependant en percevoir le produit…

Au-delà des dons manuels, une association simplement déclarée peut également librement recevoir des dons d’établissements d’utilité publique (art. 6, Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association).

Cette faculté permet à une association déclarée qui n’est pas capable de recevoir des libéralités faute de réunir les conditions nécessaires (à savoir, exister depuis au moins 3 ans et exercer une activité d’intérêt général au sens de l’article 200, 1 b du code général des impôts), d’en recevoir le produit par l’intermédiaire de la fédération, de l’union ou de l’association reconnue d’utilité publique à laquelle elle est affiliée.

La jurisprudence constante qui existe en la matière exige la réunion de conditions strictes pour qu’un tel schéma de don soit possible (Cour de cassation, 1ère ch. civ, 23 mars 2011, n° 09-70.186).

 

… si certaines conditions sont réunies

Un tel schéma de don doit être anticipé par le philanthrope.

Constatant que l’association déclarée qu’il souhaite gratifier n’est pas capable juridiquement de recevoir un legs ou une donation, le disposant peut désigner en tant que bénéficiaire un OSBL qui en a la capacité à charge pour ce dernier « de le transmettre à l’association qui n’est pas reconnue d’utilité publique mais qui est affiliée auprès » de lui (Cour de cassation, 1ère ch. civ, 23 mars 2011, n° 09-70.186).

A noter toutefois dans le cas d’une transmission par voie de legs, l’affiliation de l’association à l’OSBL désigné dans le testament doit être antérieure au décès du testateur (Cour de cassation, 1ère ch. civ, 14 avril 2021, n°19-19.306).

 

Deux opérations distinctes à comptabiliser par les OSBL désignés

L’OSBL bénéficiaire reçoit la libéralité et en réalise, le cas échéant, les actifs immobiliers, mobiliers ou financiers, à charge pour lui d’en affecter le produit à l’association qui lui est affiliée et qui a été expressément désignée par le bienfaiteur en tant que destinatrice finale des fonds transmis.

Juridiquement, ce sont deux actes distincts qui se succèdent, une libéralité (1) et un don (2). Chacune de ses opérations nécessite un traitement comptable spécifique.

1. La libéralité : transmission des biens du bienfaiteur vers l’organisme d’affiliation

L’organe d’administration de l’OSBL bénéficiaire accepte formellement la libéralité et l’ensemble de ses dispositions, y compris l’affectation du produit de la libéralité au profit de l’une de ses associations affiliées.

Dans un premier temps, les biens sont ainsi transmis depuis le patrimoine du bienfaiteur vers celui de l’organisme d’affiliation.

La comptabilité de l’opération dans les comptes de l’organisme d’affiliation :

En acceptant la libéralité et sa charge, l’OSBL bénéficiaire s’oblige à reverser le produit de la libéralité à l’association affiliée. Cette obligation constitue un passif au sens de l’article 321-1 du Plan comptable général.

L’OSBL bénéficiaire reçoit la libéralité et comptabilise à la date d’acceptation,

  • les actifs et passifs issus de la libéralité, conformément aux articles 213-4 et suivants du règlement ANC n°2018-06.
  • une provision dans la rubrique « Provisions pour charges sur legs ou donations » (art. 213-8 règl. ANC n°2018-06). Cette provision matérialise dans les comptes de l’OSBL bénéficiaire la charge qu’il a accepté.

Notons que, s’il s’agit d’un legs, la date d’acceptation s’entend comme la date de comptabilisation des biens et dettes à la date d’acceptation, à la date d’entrée en jouissance si elle est postérieure ou à la date de levée de la dernière condition suspensive (art. 213-5 règl. ANC n°2018-06).

S’il s’agit d’une donation, la date d’acceptation s’entend comme la date de signature de l’acte authentique de donation (art. 213-4 règl. ANC n°2018-06).

La comptabilité de l’opération dans les comptes de l’organisme affilié :

Dès que l’association affiliée dispose d’une information documentée quant à :

  • l’acceptation de la libéralité par son organisme d’affiliation
  • et l’affectation par le disposant du produit de la libéralité à son profit,

elle indique dans l’annexe de ses comptes annuels une information au titre des « Engagements reçus », pour la valeur estimée du produit de la libéralité qu’elle est amenée à recevoir (art. 213-6 règl. ANC n° 2018-06).

 

2. Le don : contribution financière de l’organisme d’affiliation vers l’association affiliée

Conformément à l’engagement pris au moment de l’acceptation de la libéralité, l’organisme d’affiliation reverse le produit de la libéralité à l’association affiliée.

Dans un second temps, un don prenant la forme d’une contribution financière est ainsi réalisé par l’organisme d’affiliation au profit de l’association qui lui est affiliée. Ce don constitue un acte juridique indépendant de la libéralité, même s’il découle de la volonté du disposant.

Le produit de ce don sera acquis à l’organisme affilié dans les conditions prévues dans la convention ou la notification d’attribution correspondante.

La comptabilité de l’opération dans les comptes de l’organisme d’affiliation :

A la date où il notifie le reversement de la libéralité à son association affiliée, l’organisme d’affiliation :

  • Comptabilise une charge au compte 6572 « Quotes-parts de générosité reversées », dans la rubrique « Aides financières » du compte de résultat (art. 141-1,141-2 et 213-17 règl. ANC n°2018-06).
  • Reprend à due concurrence la provision pour charges sur legs ou donations comptabilisée initialement.

La comptabilité de l’opération dans les comptes de l’organisme affilié :

A la date de la signature de la convention d’attribution des fonds ou, à défaut, à la date de réception des fonds, l’organisme affilié :

  • Comptabilise un produit au compte 7552 « Quotes-parts de générosité reçues », dans la rubrique « Contributions financières » du compte de résultat (art. 142-3,142-4 et 432-5 règl. ANC n°2018-06).
  • Réduit à due concurrence l’engagement reçu inscrit initialement dans l’annexe des comptes.

Le cas échéant, l’organisme affilié mentionnera ce versement en tant que ressources liées à la générosité du public dans son compte de résultat par origine et destination (CROD) et son compte d’emploi des ressources (CER).

Si le versement est affecté à un ou plusieurs projets définis et qu’une partie de la contribution n’a pas pu être utilisée pour la réalisation de ces projets à la clôture de l’exercice, l’organisme affilié comptabilise les ressources non encore utilisées :

  • en passif, dans le compte « Fonds dédiés »
  • en charge, dans le compte « Reports en fonds dédiés ».

 

Un schéma de don à encadrer conventionnellement

Une convention peut venir encadrer les conditions dans lesquelles l’organisme d’affiliation s’engage à recevoir la libéralité et à la reverser à son association affiliée. En effet, en acceptant la libéralité, ainsi que sa charge, l’OBSL bénéficiaire est responsable de la gestion et du contrôle de l’utilisation des fonds par le destinataire final.

Une convention d’attribution des fonds permet notamment de préciser :

  • Les engagements de l’organisme d’affiliation, tels que les modalités de gestion de la libéralité et de son reversement à l’association affiliée. Il peut par exemple être prévu un calendrier de versements successifs, au gré des projets présentés par l’organisme affilié.
  • Les engagements de l’organisme affilié, tels que modalités de suivi de l’utilisation du produit de la libéralité. La convention peut par exemple prévoir que dans l’hypothèse où l’organisme affilié est dissous ou si celui-ci n’est pas en mesure d’utiliser la ressource en conformité avec la volonté du philanthrope, les fonds peuvent être affectés à un projet similaire conduit par l’organisme d’affiliation ou par l’une de ses associations affiliées.
  • Le prélèvement éventuel de frais de gestion par l’organisme d’affiliation : compte-tenu des démarches et tâches effectuées par celui-ci, il peut être convenu que l’organisme d’affiliation prélève une contribution aux frais de gestion sur le montant de la libéralité reçu et reversé à l’organisme affilié. Le cas échéant, ces frais de gestion font l’objet d’une facture.

Un tel prélèvement doit néanmoins correspondre à la réalité des frais engagés par l’organisme d’affiliation. Il convient à ce titre d’établir des règles et procédures internes qui s’appliqueront de manière homogène et sans distinction de traitement, à tous les dossiers. En toute hypothèse, ces procédures s’attacheront à garantir la conformité entre l’objectif du bienfaiteur et l’emploi effectif des fonds.

 

anouk Anouk MARCHALAND
Juriste

[1] Pour en savoir plus sur la capacité de recevoir des OSBL, voir Le Guide des Libéralités 2023.

 


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