Fonds de dotation : modifications et adaptations des formalités déclaratives et de contrôle
Publié le 17.05.2022
État des lieux des modifications apportées par le décret du 16 mai 2022 dans le prolongement de la Loi confortant le respect des principes de la République.
En application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le décret du 16 mai 2022 (Journal Officiel du 17/05/2022) vient modifier le décret du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation. État des lieux des modifications apportées qui viennent renforcer le contrôle de la préfecture sur les fonds de dotation.
Il convient au préalable de saluer une modification utile et pratique : les échanges avec la préfecture sont fluidifiés par la possibilité de transmettre les comptes annuels, le rapport d’activité et le rapport du commissaire aux comptes par voie dématérialisée. Il en est de même pour la demande d’autorisation de faire appel à la générosité du public[1] (articles 6, 11, 13, 16 du décret de 2022).
1. Modifications sur la dotation des fonds de dotation :
S’agissant de la liste des actifs éligibles aux placements des fonds de dotation, le renvoi aux dispositions du code de la sécurité sociale, dispositions abrogées depuis 2015, est (enfin !) supprimé et renvoie désormais à l’article R. 332-2 du Code des assurances (article 1er du décret de 2009 modifié par l’article 2 du décret de 2022).
La modification apportée à l’article 2 du décret de 2009 systématise la création d’un comité consultatif dès lors que les dotations (et non pas la dotation) dépassent 1 million d’euros (article 3 du décret de 2022).
Le nouveau décret (article 4) vise à préciser que la dotation initiale doit être versée par les fondateurs au cours du premier exercice comptable. A ce jour, les préfectures n’imposent pas comme pour une fondation d’entreprise la production d’une caution bancaire. Cette précision vient, selon nous, formaliser une pratique : dans la mesure où le fonds de dotation doit transmettre ses comptes annuels en préfecture, c’est à cette occasion que la préfecture contrôle le versement effectif de la dotation.
S’agissant de l’obligation de publication des comptes annuels[2], il est désormais spécifié que ces comptes doivent comprendre en annexe outre le compte d’emploi annuel des ressources, un état séparé des avantages ou ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un Etat étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France (article 6 du décret de 2022). Pour rappel, la production de cet état séparé est une obligation introduite par la loi du 24 août 2021.
2. Sur les déclarations de création et de modifications :
Le décret apporte également des modifications importantes s’agissant du contenu la déclaration de création et la déclaration de modification des statuts qui comprennent désormais :
- l’adresse mail et les coordonnées téléphoniques du fonds de dotation ;
- les informations personnelles du ou des fondateurs : sur ce point, il s’agit ici de formaliser une pratique (le décret ne visait jusqu’alors que les administrateurs) ;
- « les établissements bancaires auprès desquels le fonds de dotation disposera de comptes ou de moyens de paiement et leurs coordonnées» (article 9 du décret de 2022).
Il convient de noter qu’un changement d’établissement bancaire doit faire l’objet d’une déclaration en préfecture (tout comme un changement de coordonnées, dans l’administration etc.). La préfecture dispose donc désormais d’informations très fournies sur les fonds de dotation.
Quant au délai de délivrance des récépissés de ces déclarations, la préfecture dispose désormais d’un délai d’un mois et non plus seulement cinq jours (article 9 du décret de 2022).
3. Modifications sur le rapport annuel et comptes annuels des fonds de dotation :
S’agissant du rapport annuel d’activité que le fonds de dotation doit transmettre en préfecture, le nouveau décret (article 8) précise qu’il doit contenir :
- la liste des personnes morales bénéficiaires des redistributions en indiquant la dénomination, l’adresse du siège social, l’adresse électronique, les coordonnées téléphoniques et la nature desdites redistributions ainsi que leurs montants ;
- si le fonds bénéficie directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un Etat étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France ;
- la liste des libéralités reçues en indiquant leurs montants et les personnes émettrices de ces libéralités ; cette précision pour le moins intrusive vient formaliser la pratique des préfectures.
Attention, si le rapport d’activité, les comptes annuels ou le rapport du commissaire aux comptes sont incomplets, la préfecture met en demeure le fonds de dotation de compléter ces documents. A défaut de réponse du fonds de dotation, la préfecture peut décider de suspendre l’activité du fonds puis, à défaut de régularisation, saisir le juge aux fins de dissolution (article 11 du décret de 2022).
L’adjectif « grave » qualifiant la notion de dysfonctionnement est supprimé conformément aux dernières modifications législatives. Est désormais constitutif d’un « dysfonctionnement » (article 12 du décret de 2022) :
- la violation des règles de gestion financières ;
- la violation des dispositions du titre II du décret de 2009 (mission du commissaire aux comptes) ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de disposer ou de consommer tout ou partie de la dotation en capital dont il bénéficie dans le cas où les statuts n’autorisent pas à consommer cette dotation, et, dans le cas où les statuts prévoient cette possibilité, le fait de disposer ou de consommer tout ou partie de la dotation en violation des conditions fixées par les clauses statutaires ou pour une cause étrangère à la réalisation des œuvres ou des missions d’intérêt général prévues au premier alinéa du I de l’article 140 de la loi du 4 août 2008 ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de n’avoir pas respecté l’obligation de disposer d’une dotation initiale ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de n’avoir pas respecté l’obligation de constituer la dotation initiale ;
- la consommation par un fonds de dotation à durée déterminée de sa dotation au-delà du terme statutaire d’activité du fonds ;
- la poursuite de l’activité ou de l’existence du fonds de dotation au-delà du terme statutaire de celui-ci ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de faire appel à la générosité du public sans avoir obtenu, au préalable, l’autorisation administrative prévue à cet effet ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de ne pas avoir respecté une éventuelle suspension administrative ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de bénéficier de fonds publics alors qu’il n’a pas été autorisé ;
- le fait, pour le fonds de dotation, de ne pas avoir transmis à l’autorité administrative les documents complets exigés dans le cadre du pouvoir d’investigation visant à s’assurer la conformité de l’objet du fonds de dotation, sa régularité de fonctionnement ;
- le fait que les décisions prises par les dirigeants du fonds de dotation ne permettent pas d’assurer la continuité de son activité.
En cas de suspension de l’activité du fonds de dotation, la préfecture doit alerter non seulement le président du fonds de dotation, le commissaire aux comptes mais aussi les établissements bancaires et ceci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception « ou par tout autre moyen permettant d’attester de la date de réception » (article 13 du décret de 2022).
Ce décret entre en vigueur à compter du 18 mai 2022. A noter que les modifications concernant le contenu des déclarations de création ou modification s’appliquent aux déclarations effectuées à compter de cette même date.
Sarah Bertail, responsable juridique et fiscale
France générosités
Découvrez toutes les actualités juridiques et fiscales par ce lien-ci.
[1] Ainsi que la transmission de la décision d’un fonds de dotation à durée déterminée, d’utiliser l’actif net restant à l’issue de la liquidation du fonds (article 19 du décret de 2022, modifiant l’article 15 du décret de 2009)
[2] Pour rappel, un fonds de dotation doit publier sur le site de la direction de l’information légale et administrative (DILA) chaque année ses comptes annuels dans les six mois de la clôture de l’exercice.