Exonération de TVA pour les organismes à but non lucratif : Conditions ?
Publié le 07.02.2023
Rappel des conditions d’application de l’article 261 du Code général des impôts pour cette exonération de TVA pour les OBNL.
Aux termes de l’article 261, 7 du Code général des impôts, les organismes à but non lucratif sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans deux cas :
- Les services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus aux membres ainsi que les ventes consenties à leurs membres dans la limite de 10 % de leurs recettes ;
- Les opérations faites au bénéfice de toute personne (membre ou non membre) par des organismes à caractère social ou philanthropique.
Ces exonérations s’appliquent aux associations simplement déclarées ou reconnues d’utilité publique, aux associations de droit local, aux fondations, congrégations, groupements mutualistes … c’est-à-dire à tout organisme légalement constitué et agissant sans but lucratif.
En outre leur gestion doit être désintéressée c’est-à-dire :
- l’organisme est géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats d’exploitation ;
- l’organisme ne procède à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice
- les membres et leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif (sous réserve du droit de reprise des apports).
L’arrêt du 12 janvier 2023, rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon, nous permet de faire le point sur les conditions exigées pour un organisme à but non lucratif qui souhaite se voir appliquer ces exonérations de TVA.
Dans cette affaire, une association a pour objet l’initiation, la découverte et le perfectionnement des sports de plein air auprès de ses membres, à savoir des centres de vacances, des écoles, des centres de formations mais aussi le grand public.
Il ne fait pas de doute que l’association est gérée de manière désintéressée.
En revanche, la question se posait de savoir si l’un des deux cas d’exonération lui était applicable au regard de son mode de fonctionnement.
1. Prestations à destination des membres de l’organisme : focus sur la définition fiscale de « membre »
L’article 261-7, 1° a) du code général des impôts prévoit que les services rendus à ses membres par un organisme d’intérêt général sont exonérés de TVA si les conditions suivantes sont remplies :
- Les services doivent être à caractère social, éducatif, culturel ou sportif;
- Les prestations doivent bénéficier aux seuls membres de l’organisme.
Or en l’espèce, si les centres de vacances à qui l’association propose des services à caractère sportif sont effectivement adhérent de l’association, la Cour rappelle que, d’un point de vue fiscal, tous les adhérents d’un organisme ne sont pas considérés comme des « membres ».
Par conséquent, l’exonération ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce car les adhérents ne sont pas les bénéficiaires directs des prestations rendues, les bénéficiaires étant les personnes venant aux centres de vacances.
Conformément à la doctrine fiscale[1], seuls les adhérents qui bénéficient directement des prestations de l’association sont fiscalement considérés comme des membres.
En l’espèce, les centres de vacances, bien qu’adhérents, doivent être considérés comme des clients d’un point de vue fiscal. Les prestations réalisées à leur égard ne pouvaient donc pas bénéficier de l’exonération de TVA sur le fondement de l’article 261-7, 1° a) du code général des impôts.
2. Exonération de TVA et Prestations à destination de toutes personnes : focus sur les critères d’analyse retenus par l’administration pour qualifier une situation de concurrence
Lorsque les prestations ne sont pas réalisées au profit des membres de l’organisme mais bénéficient à toutes personnes, celles-ci peuvent être exonérées de TVA si les conditions suivantes sont remplies (art. 261-7, 1° b du code général des impôts) :
- L’organisme doit poursuivre un objet social ou philanthropique;
- Les prestations rendues ne doivent pas venir concurrencer des entreprises commerciales.
La Cour rappelle que l’appréciation de la notion de concurrence implique un raisonnement en deux temps.
Dans un premier temps, il convient de vérifier s’il existe des entreprises commerciales concurrentes qui exercent des services similaires à ceux proposés par l’organisme, et ce, dans la même zone géographique d’attraction.
Sur ce point, l’arrêt nous précise que les activités proposées par l’organisme doivent être considérées dans leur ensemble dès lors qu’elles appartiennent à une même gamme de services (ici, il s’agissait de prestations sportives et d’animations naturalistes diverses). Une activité prise isolément (par exemple, une activité de randonnée), bien qu’elle ne soit pas proposée par les autres entreprises du secteur, ne saurait à elle seule justifier que l’association, qui exerce par ailleurs d’autres activités, est dans une situation de non-concurrence, dès lors que les entreprises concurrentes proposaient par ailleurs d’autres activités sportives relevant de la même gamme de services.
Dans un second temps, si des entreprises commerciales concurrentes ont été identifiées, il convient de comparer les conditions dans lesquelles l’association et les entreprises concurrentes exercent leur activité. Si celles-ci sont similaires, l’organisme se trouvera bien dans une situation de concurrence et les prestations concernées seront assujetties à la TVA.
Afin d’analyser la similarité des conditions d’exercice, l’administration recourt à un faisceau d’indices. Elle s’appuie notamment sur les éléments suivants :
- Le public visé: l’administration vérifie si l’organisme s’adresse à un public distinct de celui des entreprises concurrentes. Cela sera notamment le cas si l’organisme s’adresse à des personnes qui n’ont habituellement pas accès à ce type des prestations lorsqu’elles sont rendues par ses concurrents commerciaux.
- Les prix pratiqués: l’administration regarde si l’organisme propose de manière systématique des prix inférieurs à ceux du marché.
- L’existence d’une offre de services modulable en fonction du profil des bénéficiaires: l’administration va par exemple regarder si l’organisme propose des tarifs modulés en fonction de la situation économique ou sociale du public reçu.
En l’espèce, l’association proposait ses services à tout public et les prix pratiqués n’étaient ni inférieurs à ceux du marché ni modulés en fonction du profil des participants (par exemple enfants issus de milieux défavorisés). La Cour confirme, qu’au regard de ces éléments finement analysés par l’administration, cette dernière a pu légitimement conclure que les prestations étaient rendues dans des conditions similaires à celles pratiquées par les entreprises commerciales du secteur et devaient, par conséquent, être assujetties à la TVA.
Remarque : dans la mesure où l’association rend des services à se membres, elle aurait alors pu fonder sa demande d’exonération sur l’article 261 B du Code général des impôts (dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2023). Cependant, il aurait alors fallu que les membres en question soient eux-mêmes exonérés de TVA ou non assujettis. Ce qui ne semble pas être le cas.
Anouk MARCHALAND Collaboratrice juridique |
Sarah Bertail Directrice juridique et fiscale |
Pour suivre les actualités juridiques et fiscales du secteur, rendez-vous ici et abonnez-vous à notre newsletter ici.
Références :
- CAA de LYON, 2ème chambre, 12/01/2023, 21LY02675
- Articles 261-7, 1° a) et b) du code général des impôts
- Article 261 B du code général des impôts
[1] Cf. sur ce point Bulletin Officiel des Finances Publiques, BOI-TVA-CHAMP-30-10-10-10, 23/03/2022, §90.