Le rétrécissement de l’espace civique en Europe – Regard sur l’Italie #3
Publié le 15.04.2025
L’organisation européenne European Fundraising Association (EFA) publie une série d’articles « Spotlight on civic space » qui explore la tendance et l’impact du rétrécissement de l’espace civique à travers l’Europe, ainsi que ses conséquences sur la générosité et la réponse du secteur associatif et fondatif à ces défis. Dans ce troisième article, Michela Gaffo, Présidente de l’association italienne de collecte de fonds ASSIF, nous explique comment les associations italiennes font face aux attaques du gouvernement sur l’espace civique.
En Italie, les organisations à but non lucratif sont un pilier essentiel du système de protection sociale depuis la mise en place de la République en 1946. Ces dernières années, en raison des nouveaux défis sociaux (augmentation du taux de pauvreté, augmentation de l’âge moyen de la population, crise migratoire), ce rôle de premier plan est devenu de plus en plus important.
Après plusieurs années de lutte pour que ce rôle soit reconnu et récompensé au niveau politique et fiscal, une nouvelle loi, dite « réforme du tiers secteur », est entrée en vigueur en 2017.
Cette loi reconnaissait le rôle de la collecte de fonds et des collecteurs de fonds, et prévoyait des allègements fiscaux structurés pour les dons (en nature et en argent) et pour les activités commerciales (qui n’étaient donc plus taboues pour les organisations à but non lucratif).
Cependant, sa mise en œuvre a pris de nombreuses années, et le dernier gouvernement a également introduit une série de contraintes qui ont encore limité la capacité des organisations à but non lucratif à subvenir à leurs besoins et à poursuivre leurs missions sociales.
Réduction des financements publics
Alors que la réforme était en cours de mise en œuvre, des mesures ont été prises pour réduire les investissements publics dans les projets sociaux. Rien qu’en 2024-2025, on a pu observer : la mise en place d’un régime de TVA complexe et punitif pour les organisations sans but lucratif puis la suspension de ce dernier pendant deux ans mais sans aucun signe de réflexion stratégique ; le maintien d’un plafond imposé par l’Etat au cadre fiscal de la générosité ; la réduction des ressources du Fonds pour l’éducation des personnes défavorisées ; la réduction des avantages fiscaux pour les dons aux organisations du tiers secteur, mesure qui aura sans doute un impact sur la générosité des grands donateurs privés.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques en matière de santé, de droits civils et de protection sociale, ces décisions témoignent clairement d’une volonté d’affaiblir les organismes sociaux qui font vivre notre société.
Espaces pour la communauté
L’utilisation de l’espace public est cruciale pour la vitalité de l’espace civique.
Les législateurs l’ont bien compris lorsqu’ils ont rédigé en 2017 la loi de réforme du tiers secteur, qui prévoit un allègement fiscal important pour les dons aux organisations s’occupant des biens confisqués au crime organisé.
Le problème ? Il a fallu cinq ans pour définir l’application pratique de ces dispositions, et à ce jour, seuls trois projets ont obtenu un financement.
Ce n’est qu’un exemple du mépris des autorités nationales et locales envers la revalorisation publique des espaces abandonnés : au cours des dernières années, de nombreuses organisations qui ont construit des projets sociaux en impliquant les communautés et les bénéficiaires ont été marginalisés. Ces mesures ont un impact sur les personnes vulnérables et les groupes marginaux.
L’histoire de la Maison des femmes « Lucha y Siesta » à Rome – un centre culturel et un refuge pour femmes – en est un exemple : bien qu’elle se trouve dans un bâtiment public abandonné, les administrations ne cessent de réclamer la restitution de l’espace, mettant en danger de nombreuses femmes ainsi que le modèle innovant d’action sociale du projet.
La résilience des organisations
Les organisations sans but lucratif ont déjà commencé à répondre à ces menaces qui pèsent sur leurs sources de financement, leurs locaux et leurs projets, et, à terme, sur leur propre existence.
Tout d’abord, elles sont plus que jamais conscientes de la nécessité d’adopter une réflexion et une approche stratégiques en matière de collecte de fonds : ASSIF Associazione Italiana Fundraiser, par exemple, participe activement au développement d’une culture du don, tant au sein du secteur que de la population.
Pour ce faire, l’essor de nouvelles formes de dons provenant de la philanthropie privée les encourage : soutien aux organisations locales, financement basé sur la confiance, recours au capital de compensation (equalizing capital).
Elles sont également poussées vers de nouveaux modèles de gouvernance collective, où la volonté d’établir un réseau solide est forte : c’est essentiel pour survivre et pour faire face aux politiques anti-civiques qui se développent.
Article issu du site de l’EFA, rédigé par Michela Gaffo et traduit en français par Pauline Hery, chargée de plaidoyer chez France générosités.
France générosités et l’Association françaises des Fundraisers sont membres de l’EFA pour la France. France générosités pilote le groupe dédié aux affaires publiques.