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Que se passe-t-il en Europe concernant le secteur de la générosité ?

Publié le 15.10.2024

France générosités renforce sa présence au niveau européen et développe des alliances structurantes via l’EFA (European Fundraising Association) dont elle est membre et en coopérant avec PHILEA, le réseau philanthropique européen et ECNL (European Center for Not-for-Profit Law). Petit tour des dernières actualités qui ont un impact pour notre secteur.

L’EFA organisait les 26 et 27 septembre derniers, son 15th Annual skillshare « Façonner l’avenir de la collecte de fonds en Europe : technologie, tendances et paysage politique ». L’occasion de faire un tour des impacts pour le secteur de la générosité de l’ascension du nationalisme d’extrême droite en Europe et de faire un bilan des règlementations en cours et à venir en Europe.

Laurence Lepetit, Déléguée générale du Syndicat y animait une table ronde sur le contexte politique européen avec le député européen Sergey Lagodinsky et Esther Meester d’ECNL. La semaine suivante Sarah Bertail, Directrice juridique et affaires publiques, et Pauline Hery, Chargée d’affaires publiques, assistaient à la réunion de rentrée du Comité des affaires juridiques de Philea (Legal Affairs Committee – LAC).

Vous trouverez ci-dessous un résumé des enjeux européens à venir.

  • La mise en œuvre du Plan d’action sur l’Economie sociale.
  • La directive Association transfrontalière européenne
  • Le paquet législatif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
  • L’investissement à impact : une réflexion qui avance au niveau européen ?

 

La mise en œuvre du Plan d’action pour l’Economie sociale

En juin dernier, ont eu lieu les élections européennes au cours de laquelle ont été élus les députés européens. A la suite de celles-ci, a également été réélue la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, qui a désigné les nouveaux commissaires européens. Ces derniers doivent être prochainement investis par le Parlement européen après avoir été auditionnés par les députés européen.

Philea mobilise les nouveaux décideurs politiques européens à poursuivre la mise en œuvre du Plan d’action sur l’économie sociale de la Commission européenne et à renforcer la place et le rôle de la philanthropie en Europe. De plus, Philea plaide, aux côtés d’autres organisations européennes (Social Economy Europe notamment), pour le renouvellement du groupe Economie sociale au Parlement européen. Un sujet suivi de très près également par notre tête de réseau, ESS-France.

 

La proposition de directive Association transfrontalière européenne

En janvier 2022, le député européen Sergei Lagodinsky publie un rapport contenant des recommandations à la Commission sur un statut pour les associations et organisations à but non lucratif européennes transfrontalières. La Commission s’est donc saisie du sujet et a travaillé sur une proposition de directive adoptée par le Parlement. Tout au long de ce processus, France générosités s’est mobilisé aux côtés de ses partenaires associatifs en France et en Europe (retrouvez tous nos articles ici).

Amendée et votée par le Parlement européen en mars 2024, la proposition de directive fait désormais l’objet de discussions au sein du Conseil européen. Les membres du Conseil devraient aboutir à une position commune en 2025, les discussions en trilogue débuteront ensuite.

Cependant, la perspective de faire adopter cette directive s’éloigne avec une levée de boucliers en Europe des gouvernements d’extrême droite et, plus surprenant, des représentants français. Un sujet abordé à la fois avec Sergey Lagodinsky lors de la table-ronde avec l’EFA et lors du LAC à Bruxelles avec les membres de Philea et des représentants de la DG GROW et de la DG TAX de la Commission européenne.

Le député Sergei Lagodinsky a appelé, lors de la table-ronde de l’EFA, les représentations nationales à prendre attache avec leurs gouvernements afin de soutenir la directive. Il se désole, compte tenu du paysage politique européen et de la montée des nationalismes d’extrême droite, que des pays comme la France ne soutiennent pas pleinement le texte.

L’un des principaux sujets d’inquiétude soulevé par les États membres et notamment la France concerne le risque associé au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

France générosités et ses partenaires considèrent ce risque limité d’autant que des gardes fous ont été inscrits dans la directive lors de son adoption au Parlement (cf. Q&A by Civil Society Europe) . Nous continuerons de mobiliser les instances françaises pour s’assurer de leur plein soutien en faveur de cette proposition de directive qui a pour objet de simplifier la vie des associations exerçant des activités sur plusieurs Etats membres et de promouvoir les libertés associatives.

 

L’application du paquet législatif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Le paquet législatif sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (UE LBC/FT) a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 juin 2024, après avoir été adopté par le Parlement européen et le Conseil.

Il comprend un règlement sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLR) qui sera officiellement appliqué le 10 juillet 2027, une 6e directive anti-blanchiment, qui doit être transposée dans la législation nationale avant le 10 juillet 2027, et le règlement instituant l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui sera officiellement appliqué à partir du 1er juillet 2025.

Au cours du 15th Annual skillshare de l’EFA, Esther Meester d’ECNL nous a éclairés sur les conséquences de ces nouvelles dispositions pour le secteur de la générosité.

Les changements majeurs comprennent l’extension du champ d’application des entités réglementées (« entités obligées »), des règles harmonisées pour la transparence des bénéficiaires effectifs, des orientations plus détaillées sur le devoir de vigilance à l’égard de la clientèle, une interdiction à l’échelle de l’Union des paiements en espèces supérieurs à 10 000 euros et une approche harmonisée à l’égard des pays tiers « à haut risque ».

Les préoccupations les plus importantes pour le secteur à but non lucratif sont les suivantes :

  • À partir de juillet 2027, les plateformes de crowdfunding seront pour la première fois considérées comme des entités obligées.
  • Les nouvelles règles n’apportent pas la clarté souhaitée sur l’identité des bénéficiaires effectifs des organismes à but non lucratif (OBNL).
  • Des mesures de diligence raisonnables seront renforcées pour les transactions occasionnelles et les relations d’affaires impliquant des entités dans des pays tiers à haut risque, ce qui conduira très probablement à un examen plus approfondi lorsque les organisations de la société civile (OSC) voudront transférer des fonds à des partenaires à l’international.
  • La réduction de l’anonymat des crypto-actifs et des transferts en monnaies virtuelles, limitant encore les possibilités de dons anonymes et d’utilisation des échanges de crypto-actifs par les OSC et les activistes qui sont exclus du système financier ou qui ne sont pas autorisés à recevoir des fonds étrangers.

ECNL partage son inquiétude d’une législation complexe pouvant avoir des impacts non seulement au sein de l’UE mais aussi dans d’autres régions où il n’existe pas de garde-fous adéquats contre la surrèglementation et la mise en œuvre incorrecte.

ECNL et Philea travaillent à l’élaboration d’une note d’information détaillée décrivant les changements et impacts potentiels pour le secteur non lucratif. Enfin un plaidoyer sera élaboré lorsque les lignes directrices techniques plus détaillées seront élaborées et avant leurs transpositions dans la législation nationale.

France générosités via l’EFA suivra étroitement ce dossier.

Vous pourrez suivre le 12 novembre prochain, de 10h00 à 11h30 un webinaire pour présenter aux OSC, aux fondations philanthropiques, aux plateformes de crowdfunding et aux autres parties prenantes la portée et les implications (potentielles) du paquet. (Pour vous inscrire, c’est ici, webinaire en anglais)

 

L’investissement à impact : une réflexion qui avance au niveau européen ?

A l’occasion de la Journée européenne des fondations et des donateurs, Philea et Impact Europe organisaient une table ronde sur « Comment les décideurs politiques peuvent-ils stimuler les activités d’investissement d’impact des organisations philanthropiques ?» au sein du Info Hub du Parlement européen.

Au cours de cette table ronde, plusieurs acteurs européens se sont exprimés : la députée européenne Katrin Langensipen (Allemagne, Verts / ALE) ainsi que plusieurs fonctionnaires européens travaillant à la commission européenne (DG GROW et DG EMPL), à la Banque européenne d’investissement et au Fonds européen d’investissement.

A cette occasion, Philea et Impact Europe ont publié une note de position commune pour appeler les décideurs politiques nationaux et européens à offrir un cadre juridique et financier favorable au développement des investissements à impact par les organismes philanthropiques.

Partout en Europe, des organisations philanthropiques ont commencé à s’engager dans l’investissement à impact, notamment en soutenant des acteurs de l’économie sociale. Cependant, les lois nationales et européennes sont souvent un obstacle pour ce type d’investissement. Philea et Impact Europe soutiennent les recommandations suivantes pour développer les activités d’investissement des organismes philanthropiques :

  1. Permettre aux organisations philanthropiques de soutenir des organisations de l’économie sociale ;
  2. Développer un mécanisme de co-investissement dans le cadre du programme InvestEU ;
  3. Faciliter l’investissement d’impact au niveau des fonds de dotation ;
  4. Intégrer la philanthropie dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne.

 

A suivre 

Le 12 novembre prochain, de 10h00 à 11h30 un webinaire pour présenter aux OSC, aux fondations philanthropiques, aux plateformes de crowdfunding et aux autres parties prenantes la portée et les implications (potentielles) du paquet législatif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. (Pour vous inscrire, c’est ici, webinaire en anglais)

Le 3 décembre prochain, Philea organise son événement annuel les EuroPhilantopics sur le thème cette année « Nouveau mandat de l’UE, nouveaux partenariats avec la philanthropie ». Il rassemblera des organisations du secteur de la philanthropie et des représentants des institutions de l’Union européenne. Informations et inscriptions ici.

 

 


Qui est Philea ?

Philea est une organisation européenne qui regroupe des associations, des fondations et des réseaux d’organisations philanthropiques en Europe (Centre français des fonds et fondations – CFF, Fondation de France, Fondation Roi Baudoin, Fundaciones etc.). Elle défend au quotidien les intérêts de ses membres auprès des institutions européennes et de ses acteurs politiques et œuvre à la création d’un environnement propice à la philanthropie européenne (cf. manifeste de la philanthropie européenne).

Le LAC (Legal Affairs Committee) est composé des responsables juridiques et affaires publiques des membres de Philea sous la supervision de l’équipe affaires publiques de Philea. Les réunions du LAC sont l’occasion de faire le point sur les actualités juridiques et politiques des membres et d’échanger sur les évolutions règlementaires et politiques européennes en matière de philanthropie. C’est également l’occasion de coordonner les activités de plaidoyer des membres en Europe.

Qui est ECNL ?

Le European Center for Not-for-Profit Law Stichting (ECNL) est une organisation non gouvernementale basée à La Haye, aux Pays-Bas, qui travaille à l’autonomisation de la société civile par la création de cadres juridiques et politiques favorables. Ses missions :

  • protéger les droits de l’homme, y compris les libertés d’association, de réunion, d’expression et de vie privée ;
  • soutenir le développement de la société civile et la participation du public aux niveaux local, national et international ;
  • promouvoir l’ordre juridique démocratique ;
  • soutenir l’élaboration de politiques et de lois appropriées concernant la société civile, la philanthropie, l’investissement à impact, l’entreprise sociale, la coopération internationale au développement et l’impact des nouvelles technologies sur les droits de l’homme et la société civile ;
  • fournir un soutien à d’autres organisations et entreprendre des initiatives de recherche et d’éducation pour faire progresser les objectifs susmentionnés.

 

 

Auteurs :

Sarah Sarah BERTAIL
Directrice juridique et affaires publiques
pauline Pauline Hery
chargée d’affaires publiques
Laurence Laurence Lepetit
déléguée générale
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