Projet de loi confortant les principes républicains – Nos propositions
Publié le 19.01.2021
Synthèse de la position de France générosités et des propositions du Syndicat sur le projet de loi confortant les principes républicains appelé Loi contre le Séparatisme.
France générosités est, depuis plus de 20 ans, le Syndicat des associations et des fondations qui font appel à la générosité du public. Il représente 117 organisations parmi les plus grandes associations et fondations françaises investies dans tous les champs de l’Intérêt général. Ces organisations mobilisent 7.4 milliards par an dont 2.8 milliards issus de la générosité du public.
France générosités partage la philosophie qui sous-tend ce projet de loi et comprend la volonté du gouvernement de se doter des moyens de lutter contre le terrorisme et son financement en contrôlant notamment plus efficacement les organisations collectrices qui dévoieraient leur mission d’intérêt général première.
Cependant, nous partageons avec l’ensemble du secteur le regret que ce projet de loi n’aborde le sujet que sous l’angle du contrôle alors que l’engagement des associations et des fondations est l’un des premiers remparts contre les séparatismes.
Par ailleurs, la rédaction actuelle englobe l’ensemble des associations et des fondations et non strictement les organisations « suspectées ».
A la lecture des articles 10 et 11 du Projet de Loi, il apparait que les dispositions telles qu’elles sont rédigées inscriront dans le temps des mesures de contrôle importantes, contraignantes, aux sanctions lourdes pouvant avoir des effets durables pour l’ensemble des organisations faisant appel à la générosité du public. Un arsenal qui semble disproportionné pour une mesure présentée par le gouvernement comme une procédure allégée.
En effet, l’introduction par l’article 10 du contrôle du bien-fondé de l’éligibilité au régime du mécénat de l’organisme aura les conséquences suivantes :
- Une transformation d’un contrôle de la réalité des montants inscrits sur les reçus fiscaux en un contrôle d’éligibilité au régime du mécénat. En l’état de la rédaction on parle de « contrôle de régularité » alors qu’il s’agit d’un « contrôle du bien-fondé » de l’intérêt général comme le rappel l’avis du Conseil d’Etat du 3 décembre 2020. Au-delà d’une sanction très lourde, la conséquence directe est le risque de perdre la possibilité d’émettre des reçus fiscaux pour les organisations collectrices de dons.
- Un contrôle qui n’apporte même pas les garanties minimums octroyées à un particulier ou une entreprise lors d’un contrôle sur place puisque :
1/ Le délai affiché est de 6 mois mais en pratique, telle que cela ressort de la rédaction actuelle, est sans limite de temps.
2/ Il n’existe pas de définition précise des documents et pièces à fournir en cas de contrôle (soit un contrôle extensif qui s’apparente à un contrôle de police et non plus à un contrôle fiscal).
3/ Un contrôle sans véritable procédure contradictoire et sans autre recours possible que le Tribunal.
C’est pourquoi, France générosités demande des garanties égales à celles des contribuables particuliers ou entreprises pour les associations et fondations collectrices dans le cadre de la procédure de contrôle étendu prévue à l’article 10 et déclenchée par le recensement prévu à l’article 11 du Projet de Loi.
France générosités a rédigé dans cet objectif des propositions d’amendements, qui s’inscrivent dans la lignée de l’Avis du Conseil d’Etat, permettent d’intégrer des garde-fous sur la temporalité du contrôle, la nature des documents à produire et la procédure du contradictoire (Amendements 1 à 4).
Note complète sur l’article 10 du projet de Loi confortant les Principes républicains
Le texte de l’article 10 introduit le contrôle à l’éligibilité au régime du mécénat de l’organisme qui a émis des reçus fiscaux. Il a pour objectif de permettre à l’administration de disposer d’une voie l’autorisant à vérifier que les organismes bénéficiaires du régime du mécénat en respectent les conditions légales. Autrement dit que leur activité soit éligible, que les critères tenant au caractère désintéressé de leur gestion soient respectés, qu’ils aient un caractère non lucratif et qu’ils n’agissent pas au profit d’un cercle restreint de personnes bénéficiaires.
Le texte de l’article 11, quant à lui, introduit l’obligation de déclaration du montant des dons et du nombre de reçus fiscaux pour l’organisme qui émet des reçus fiscaux donnant lieu à réduction d’impôt. Il a pour objectif de permettre à l’administration de bénéficier d’informations lui permettant d’organiser le contrôle prévu par l’article 10 précité.
Remarques sur l’article 10 et le contrôle de l’éligibilité au régime du mécénat
- Sur la portée du contrôle
Tant l’étude d’impact[1] que l’analyse du Conseil d’Etat[2] montrent la volonté clairement exprimée du Gouvernement que la procédure de contrôle du nouvel article L.14 A du Livre des procédure fiscale porte sur le bien-fondé de l‘éligibilité des dons et versements au régime fiscal du mécénat. Elles montrent également que ce contrôle a pour objet de réaliser une analyse complète de l’organisme au regard des conditions listées dans l’étude d’impact du Gouvernement et qui sont les suivantes :
- de la régularité de la dépense fiscale au regard des différentes finalités prévues par la loi (activités à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, etc.) ;
- de l’absence de fonctionnement au profit d’un cercle restreint de bénéficiaires.
- du respect des conditions tenant à la non-lucrativité des activités
- de la gestion désintéressée dans le cas où l’administration n’a aucun indice sérieux de lucrativité de l’organisme susceptible de fonder le recours à la procédure de vérification de comptabilité. »
Or, la rédaction actuelle de l’article 10 qui évoque le « contrôle de la régularité de la délivrance des reçus, attestions ou autres documents » parait réductrice par rapport à ce que le Gouvernement entend instituer. En effet, le contrôle sur place envisagé sera, en pratique, une opération lourde qui examinera l’ensemble de la vie de l’organisme et pourra en tirer des conséquences fiscales importantes, comme le retrait d’un avis favorable suite à un rescrit mécénat prévu à l’article L.80 C du Livre des procédures fiscales, ainsi que l’interdiction de délivrer des reçus fiscaux et l’application éventuelle de la pénalité de l’article 1740 A.
- Sur les garanties de l’organisme vérifié
Il ressort de la lecture du projet d’article L.14 B du Livre des procédures fiscales, que la procédure prévue dans le cadre de ce contrôle sera très expéditive et n’assurera pas les conditions d’un dialogue réel entre l’organisme vérifié et l’administration fiscale.
En effet, si le texte est voté en l’état, il est prévu que le vérificateur adresse ses conclusions à l’organisme vérifié. Si celui-ci est en désaccord avec le vérificateur, l’organisme aura pour unique possibilité de réponse une présentation, dans les trente jours, d’un unique recours hiérarchique. Il n’est même pas indiqué que l’administration aura alors l’obligation de répondre, puisqu’une sanction peut être prononcée à l’expiration du délai de trente jours de la réception du document de clôture sans même attendre la réponse au recours hiérarchique diligenté par le contribuable. Ainsi, en pratique, le dialogue après les opérations de contrôle sur place est réduit à l’envoi d’un courrier par le vérificateur à l’organisme qui ne peut répondre que par un recours hiérarchique. Les garanties sont ici mêmes inférieures à celle d’un particulier ou d’une entreprise lors d’un contrôle sur pièces.
Or, la durée du contrôle sur place (au moins six mois), l’ampleur des investigations du vérificateur qui vont toucher l’ensemble des activités de l’organisme vérifié et porter sur les quatre dernières années, les conséquences importantes du contrôle si le bien-fondé de la délivrance des reçus fiscaux est remis en cause, nécessitent d’accorder aux organismes vérifiés des garanties plus substantielles qu’un simple recours hiérarchique auprès du supérieur immédiat du vérificateur.
Enfin, il est à noter que les garanties réduites prévues par le projet aboutiront à une rupture rapide du débat entre l’organisme vérifié et l’administration et conduiront à déplacer le débat dans des procédures contentieuses (en cas d’amende) ou juridictionnelles puisqu’il ne restera plus que la voie du recours pour excès de pouvoir pour contester une simple décision de remise en cause de l’éligibilité au régime fiscal du mécénat.
- Sur la durée des opérations de contrôle
Si le b de l’article L14 A du LPF prévoit bien que la durée du contrôle sur place ne peut en aucun cas dépasser six mois, une incertitude pèse cependant sur la limitation en pratique à six mois du contrôle. En effet, le II de l’article L14 B accorde à l’administration un délai de six mois pour communiquer les résultats du contrôle à l’organisme vérifié, le délai courant à partir du moment où l’organisme aura présenté à l’administration « les documents et pièces de toute nature permettant à l’administration de réaliser le contrôle prévu à l’article L. 14 A ».
Or, aucun formalisme n’ait prévu qui permette d’acter que les pièces ont été demandées à l’organisme vérifié et qu’il s’est abstenu de les produire. Enfin, le Livre des procédures fiscales ne prévoit aucune limite temporelle pour que l’organisme vérifié produise les documents qui manqueraient. C’est ainsi que si, à la fin du contrôle sur place, le vérificateur considère qu’il n’a pas obtenu de l’organisme vérifié tous les renseignements souhaités, le contrôle peut se prolonger sans limitation de durée.
C’est pourquoi, il conviendrait de fusionner les deux délais en un délai unique de contrôle sur place de six mois. Pour cela, il est possible de s’inspirer de l’article L52 III du Livre des procédures fiscales qui prévoit pour les vérifications de comptabilité une suspension du délai de six mois jusqu’à la remise complète à l’administration du fichier des écritures comptables, en prévoyant de suspendre le délai de six mois du temps qu’aura mis l’organisme vérifié à produire les documents que l’administration l’aura mis en demeure de produire. Par ailleurs, il ne semble pas proportionné de prévoir une suspension sans limite compte tenu de l’enjeu circonscrit du contrôle. Nous proposons que le délai total des opérations sur place ne puisse excéder douze mois. Enfin, pour éviter que l’administration ne prolonge ses investigations sans limite après la fin du contrôle sur place, il serait opportun qu’elle ait l’obligation de communiquer à l’organisme vérifié les résultats de contrôle dans les trois mois qui suivent l’achèvement du contrôle sur place.
- Sur la documentation à présenter par l’organisme vérifié
Il ressort de la lecture combinée des articles L14 A et B et L102 E du Livre des procédures fiscales une absence de définition précise des documents et pièces à fournir en cas de contrôle. C’est ainsi que l’administration serait libre de déterminer au cas par cas, c’est-à-dire de façon arbitraire, la documentation que doit produire l’organisme vérifié.
Il conviendrait donc, en suivant l’esprit de l’article 54 du Code général des impôts qui fixe la nature des pièces à présenter par les entreprises vérifiées, de préciser la nature des documents que pourra exiger le vérificateur au deuxième alinéa de l’article L14 A en cohérence avec l’objet du contrôle qui est limité à l’examen de la régularité et du bien-fondé de la délivrance des reçus. Un contrôle fiscal n’est pas une enquête de police.
Toutes les prises de paroles, plaidoyers et ressources à votre disposition sur ce Projet de Loi sont disponibles ici : “Loi Séparatisme – récapitulatif“.
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[1] Etude d’impact, PROJET DE LOI confortant le respect des principes de la République NOR : INTX2030083L/Bleue, n° 4.2.2. Impacts budgétaires, page 119
[2] Avis du Conseil d’Etat, n° 401549 du 3 décembre 2020, page 19
[3] Etude d’impact, PROJET DE LOI confortant le respect des principes de la République NOR : INTX2030083L/Bleue, n° 4.2.2. Impacts budgétaires, page 123